[one_third last="no"]Deauville[/one_third][two_third last="yes"]

FESTIVAL DU CINEMA AMERICAIN DE DEAUVILLE

Edition 2013

COMPETITION

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Enfant noir pendant la guerre de Sécession, Will a pourtant une vision du monde déjà adulte, façonnée par tout ce qu’il subit et fait subir pour survivre au quotidien. Le début du film est d’une violence psychologique assez crue et sans concessions : à la solde d’une troupe de chasseurs de primes, Will et son oncle traquent les humains recherchés ou ayant une valeur marchande suffisamment élevée pour rassasier le gang. Le jeune héros est envoyé chez une fermière cachant des réfugiés chez elle, et cette dernière l’envoie dormir dans une grange ou trois autres personnes sont logées : son butin est là, à portée de main. Mais Will n’est qu’un enfant, et lorsqu’une des femmes lui tend à manger, elle qui semble si faible, il est déstabilisé. En une scène, l’on tient le principal argument que The Retrieval va développer tout au long du film : l’attachement du personnage principal à des êtres dont le destin est scellé par ces chasseurs de primes.
Les personnages principaux ont beau vivre en plein milieu de la guerre civile, cette dernière n’est qu’un prétexte pour raconter l’histoire de ce jeune garçon confronté à des choix vitaux. Ainsi, il n’y aura qu’une unique scène de bataille, permettant de restituer le contexte, Chris Eska préférant concentrer le récit sur les relations entre Will, son oncle et Nate, l’homme qu’ils doivent ramener au gang. Le réalisateur guide ses personnages et leur secret à travers l’épaisseur de forêts un peu trop balisées, même si le parcours peut-être pas initiatique mais au moins formateur du héros a le mérite de tirailler une psychologie et d’ainsi éviter tout manichéisme.

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L’on ressent d’ailleurs tout au long du métrage cette volonté dans l’écriture de ne pas tomber dans le piège facile des bons d’un côté et des méchants de l’autre. Le sujet du film étant la Guerre de Sécession, on aurait pu s’attendre à une opposition entre les camps du Nord et du Sud, mais c’est ici autour des blancs et des noirs qu’Eska cherche à faire évoluer les pensées dans diverses directions. Peu importe la couleur de peau, le crédo des personnages de l’époque telle qu’elle est représentée est d’agir non pas selon leur conscience, mais par intérêt, ce qui implicite la survie. Will et son oncle vont ainsi accepter la mission du gang qui est de leur ramener un hors-la-loi en faisant croire à ce dernier que son frère est mourant. Faire croire aux victimes de ces coups-montés que sa venue vers eux est sans risques, Will en a l’habitude. L’ouverture du film, minutieuse et semblant être réglée au détail près, confirme le triste professionnalisme du jeune garçon. Le rythme est d’ailleurs lent du début à la fin, The Retrieval se composant surtout de travellings en forêt, allant à la vitesse des personnages, pas spécialement pressés mais toujours à l’affut du moindre danger pouvant surgir de tous les côtés. Ce tempo lancinant permet de mieux sonder la façon dont vont évoluer les trois protagonistes principaux les uns par rapport aux autres.
Le mode opératoire mis en place pour livrer les victimes vivantes au gang est vicieux, et le fait qu’un enfant en soit le relai rend d’autant plus détestable les moyens employés par cette troupe. Appâter les victimes en faisant croire à sa propre innocence et son envie de trouver refuge auprès des autres dans un pays en guerre, voilà comment il avait gagné la confiance de la femme dans la grange, et c’est de la même manière qu’il devra procéder pour arriver à amener Nate, le hors-la-loi, aux chasseurs de primes. Tout le dessein du film est de retracer ce parcours en analysant la façon dont Will va réagir face à un personnage auquel il ment quant à ses intentions et auquel il s’attache trop rapidement pour n’éprouver aucun remords. Tout lui avouer et prendre le risque de se faire tuer par les membres du gang, ou bien porter sa mission à terme et avoir la mort d’un homme qui l’a protégé sur la conscience : le dilemme est lourd et amène tout un lot de tiraillements au garçon, mais le fait de l’étirer tout au long du récit s’avère finalement assez léger, voire même répétitif. C’est d’ailleurs pour cela que Chris Eska l’étoffe en parallèle avec l’espoir de son personnage principal de pouvoir aller retrouver un jour son père, qu’il espère vivant.
Cette recherche de la figure paternelle va amener tout doucement à l’émancipation de Will face à toutes ces personnes qui balisent ses choix grâce au personnage de Nate, qu’il va voir comme un être remplaçant son père, il éprouvera même de la peine envers lui à cause de ce qu’il lui fait subir sans qu’il ne s’en rende compte. Ce transfert va se faire au fur et à mesure que le récit avance, Nate étant présenté au début comme un homme renfermé et sans scrupules, qui mériterait presque le sort qui lui est réservé. Ce doute quant à la confiance qu’on pourrait lui accorder sera balayé pour ensuite faire place à un esprit protecteur envers Will, qui pourrait être son fils. La transformation de la psychologie des personnages va effacer l’anti-manichéisme mis en place au début du film, et si les ficelles paraissent parfois trop grossières, l’efficacité de l’histoire est bien présente jusque dans son final attendu mais suivant la logique mise en place auparavant.


Le dilemme d’un jeune garçon face au sort d’un homme dont la vie tient entre ses mains, et la recherche d’une figure paternelle de substitution sont les deux thèmes principaux que Chris Eska cherche à croiser dans The Retrieval. Parfois facile, le récit minimaliste a pourtant le mérite d’explorer la psychologie d’un enfant déjà adulte de part ce que la guerre lui fait vivre.


    A propos de l'auteur

    Rédacteur Ciné

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