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Pixagain – N°3 : Spring Breakers
Au programme : la critique complète de Spring Breakers, et qui arrivera ensuite sur le blog d’ici une semaine.
Je ne vous en dis pas plus, le reste est dans l’edito et le contenu !
N’hésitez pas à nous donner vos avis, idées & commentaires.
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Par ces simples considérations précédemment relevées, si il est déjà dur de décrire par l’analyse un film par un choix arbitraire de quelques scènes, cette idée est d’autant plus vraie quand il s’agit d’une œuvre telle que Nos Années Sauvages, ou plus simplement, d’un long-métrage de Wong Kar-Wai, où l’approche globale du film justifie chaque scène et lui donne sens. Prenons par exemple cette scène où Tony Leung fait son apparition. Située à la fin du film, seule, elle n’est que la bribe d’une histoire qui peut nous paraître incomplète. Mais, mise en relation avec ce qui l’a précédé, il est alors aisé de comprendre que Wong Kar-Wai, par cette intervention isolée, s’affranchit alors de la limite matérielle universelle de n’importe quel film: sa durée , donnant pour cela l’occasion à une nouvelle histoire de heurter sa fresque.
Cette fresque, consacrée au hasard de la vie, aux infortunes rencontres, desquelles peuvent naître l’amour, Wong Kar-Wai s’amuse à la nourrir continuellement, nous empêchant d’emettre une opinion à la fois morale et personnelle sur ces personnages qui vont et viennent, se croisant et s’ignorant.
Cette scène, où le personnage de Leung Fung-Ying (Carina Lau) passe sa première nuit avec Yuddy, juste après que Su Lizhen (Maggie Cheung) l’ai quitté est particulièrement illustrative de ce rapport que les personnages portent entre eux, semblable à un manège dans lequel ils ne font qu’échanger leurs places in fine, se croisant sans se connaître, indifférents au fait de possibles amitiés entrecroisées. D’emblée, alors que la bâtisse où vit Leslie Cheung semble imposante, les personnages paraissent confinés, coincés entre deux murs, prédestinés par l’architecture à un contact plus intime. Et pourtant, un inconnu, interprété par Jackie Cheung, entre, il ne se présente pas, il ne fait que briser cette relation encore inexistante avant de repartir de la même manière, et pourtant par cette seule intervention et malgré tout ce que pourra dire Carina Lau, l’on arrive à définir le personnage qui pourtant ne se dévoilera jamais plus. Mais là où Wong Kar-Wai nous prend de nouveau au dépourvu, c’est en nous montrant cette horloge à la fin de la séquence, nous rappelant à quel point le temps est d’une importance capitale ici, et que pourtant, il ne se passe jamais une seconde sans que nous nous demandions l’heure où se déroule l’histoire.
Mais une œuvre de Wong Kar-Wai ne peut se limiter seulement à une approche scénaristique, aussi brillamment soit-elle tissée. C’est là qu’entre en jeu le travail de Christopher Doyle , directeur de la photographie. Véritable artificier de ce que l’on pourrait appeler la « touche Wong Kar-Wai », son travail a permis de concrétiser la vue si atypique de son réalisateur. Tout spectateur, quel qu’il soit, ne peut rester indifférent face à cet aspect si singulier accompagnant les histoires de Wong Kar-Wai. Qu’il ai aimé ou non, soit resté hermétique ou en admiration par cette composante de son œuvre, cette impression découle du fait, qu’en plus de nous amener à voir un sentiment, une idée, il nous la fait sentir par sa fabrication. C’est cette ingéniosité qui rend l’image aussi émettrice et riche que ses acteurs. Cette logique que Wong Kar-Wai nous force à accepter n’est pas sans conséquence, rendant son long-métrage fascinant ou ennuyant aux yeux d’un spectateur, l’entre-deux n’est pas permis.
On trouvera tout de même différents niveaux d’utilisation de ces procédés. Par exemple, cet aspect nocturne du récit, à première vue simple souci temporel, englobant Nos Années Sauvages n’est pas uniquement utilisé de manière à nous faire ressentir une certaine tristesse contagieuse et omniprésente. En tant que spectateur, en voyant cette nuit infinie coupée brutalement par le rayon du soleil, intuitivement, nous décelons une rupture du récit, quelque chose va changer, nous allons de nouveau bifurquer violemment de cette paix insolente.
Vient par exemple ce plan-séquence proche de la fin. Celui-ci fait directement écho à une scène précédente où Leslie Cheung se perdait, éloigné de tous dans un repos musical solitaire. Seule scène se déroulant au crépuscule, elle peut aussi être interprétée comme la véritable et unique rupture du récit. Si tout cela se voit avant tout par les évènements que nous donne à interpréter Wong Kar-Wai, seule tache de violence durant ses 90 minutes, c’est aussi par son approche technique qu’il nous prépare à l’anéantissement de cet univers jusqu’alors si pur. Une simple charrette avance, tel un admoniteur et nous invite à suivre le point de vue de la caméra, alors trop fluide et trop rapide pour être image de la vision humaine. Le grand angle et l’absence de limite visuelle, de remparts créés par les artifices du cadre (à l’inverse de la scène précédemment citée), nous amène pour la première fois à observer les personnages avec une certaine distance, loin de l’intimité que Wong Kar-Wai nous imposait continuellement. En parallèle, c’est la musique, malgré ses nuances subtiles, qui prend le relais, dernière ancre inchangé pour le spectateur. Contrastant par sa lenteur, par la brutalité soudaine de son montage : la mafia n’apparaît de manière saccadée, la violence se fait par à-coups, le sang qui ne transparait que sur les gros plans, cette séquence devient alors un enchaînement de plans uniques par rapport au film, au sein d’une durée si courte.
Nos Années Sauvages représente sûrement l’un des travaux les plus épurés de Wong Kar-Wai, et surtout le changement définitif, et déjà accompli de celui-ci, avant qu’il ne commence à utiliser de manière dominante la musique comme nouveau véhicule des sens. C’est ici une fable qui prend forme, où les personnages ne changent jamais mais se découvrent eux-mêmes peu à peu, en se comprenant à l’aide d’un amour candide et éphémère, donnant naissance à ce romantisme qu’il affectionnera tant. Ce contraste si violent explique aussi sans peine l’échec global du film en salles, alors beaucoup trop ambitieux, mais réhabilité à sa juste valeur plus tard . Attendons désormais son retour, avec The Grandmaster, narrant l’histoire de Yip-Man, maître du Wing Chun Kung Fu (déjà mise en scène par Wilson Yip il y a quelques années) et traitant par ailleurs la période dans laquelle il a vu le jour.
Ce nouveau film signe aussi le retour d’un chorégraphe dans son équipe: le grand Yuen Woo-Ping et nous rappelle aussi l’attente interminable des dix années qui ont suivi son dernier film.
Titre Français : Nos Années Sauvages Titre Original : A Fei jing juen (阿飛正傳) Réalisation : Wong Kar-Wai Acteurs Principaux : Leslie Cheung, Jacky Cheung, Maggie Cheung Durée du film : 01h33minutes Scénario : Wong Kar-Wai Musique : Xavier Cugat Photographie : Christopher Doyle Date de Sortie Française : 6 mars 1996 |
Un vieillard. Son épée : Étoile de Glace. Ce premier : disparu. Cette seconde : convoitée. Par qui ? Par deux homme, l’un pour perfectionner son pouvoir personnel, l’autre pour défier son ancestral propriétaire et tester sa vaillance.
The Sword est un Wu xia pian on ne peut plus classique, une sorte de quête entre le bien et le mal avec cette fameuse épée à la fois témoin et objet de l’affrontement des deux hommes.
Avec un film d’une ingéniosité rare, Patrick Tam se prend au sérieux comme jamais, et ce qui peut paraître comme ridicule devient du génie. Dans ses combats aux chorégraphies envolées, la notion de corps est à la limite de la disparition. Aussi improbable que cela puisse paraître, les hommes semblent être absents, seuls leurs uniformes subsistent, en témoignent les bruitages incessants de draps battus par le vent.
La notion d’anoblissement humain atteint son paroxysme dans un combat final dantesque, alliant passages d’un raffinement extrême à quelques plans risibles malgré eux. Portés par des bonds virevoltants, les sabres s’entrechoquent. Les combats, sans merci, s’effectuent dans les règles de l’art. Les affrontements au sabre sont tout bonnement virtuoses, et ne tiennent absolument pas compte de la notion de ridicule, le genre ne s’y prêtant finalement pas.
A cela s’ajoute une romance assez mélancolique et poétique du héros, portée par une musique entêtante, surtout lorsque celle-ci est utilisée comme thème principal tout le long du film, que le ton soit lyrique ou dramatique.
Malgré des passages parfois absurdes, The Sword possède un charme incroyable qui en fait un classique inratable du genre.
Critique complète à venir prochainement.
Titre Français : The Sword Titre Original : Ming jian Réalisation : Patrick Tam Acteurs Principaux : Qiqi Chen, Adam Cheng, Norman Chu Durée du film : 01h25 Scénario : Clifford Choi, Ying Huang, Shing Hon Lau, Tianci Liu, Zigiang Lu, Patrick Tam Musique : Joseph Koo Photographie : Billy Wong Date de Sortie Française : inconnue / 14 Août 1980 (Hong-Kong) |
Comédie Hong-kongaise du milieu des années 1970, The Private Eyes, premier film d’une saga ayant pour héros « Mister Boo », semble étrangement très américanisé. Dès l’introduction, l’influence se fait sentir sur des plans successifs de la ville où se déroule le film, comme cela aurait pu se faire avec New-York. Si en soi le film n’est pas mauvais, il est dommage d’avoir décidé d’emprunter des idées à un burlesque déjà-vu. Le comique est incontestablement bon, mais ce genre avait déjà connu ses heures de gloire avec le grands pontes que furent Laurel & Hardy, Charlie Chaplin, et dans une autre mesure Blake Edwards.
Si déphasage il y a, les personnages restent tout de même sympathiques, et les situations prêtent facilement à rire. Entre le détective à la fois antipathique, qui n’hésite pas à transformer le salaire de ses employés en dettes à vie, et aussi naïf et gentil dans le fond; le second paradoxalement maladroit et expert en arts-martiaux; et l’homme de main flegmatique; ces personnalités sont une perche évidente au divertissement de gestes et de situation.
Ainsi, une des scènes hilarantes du film expose le détective s’adonnant malgré lui à une séance de gymnastique un poulet mort à la main. Si le visuel des gags est de mise, le film renferme aussi son message dans un contexte social d’époque. Michael Hui en profite donc pour dénoncer à coup de petites piques la situation des travailleurs dans son pays, et les traitements parfois indignes des patrons à leur égard. Il bénéficie aussi de l’appui de son frère Samuel, dont la chanson principale du film appui ses propos.
Le film a probablement perdu pas mal de crédit à travers le temps (bien des choses ont changé en une trentaine d’années), mais le comique reste finalement assez efficace.
Titre Français : Mister Boo Détective Privé / The Private Eyes Titre Original : Ban jin ba liang Réalisation : Michael Hui Acteurs Principaux : Michael Hui, Samuel Hui, Ricky Hui, Angie Chiu Durée du film : 01h34 Scénario : Michael Hui Musique : Samuel Hui Photographie : Yiu-Tsou Cheung Date de Sortie Française : inconnue / 16 Décembre 1976 (Hong-Kong) |
Chunking Express fait partie de ces films dont il semble impossible de parler. Plus qu’un objet cinématographique, le quatrième film de Wong Kar-Wai est une incroyable expérience de cinéma, et poser des mots sur un ressenti comme celui que ce film nous procure semble dérisoire face à une telle ampleur et une poésie folle.
Dès son introduction, une course-poursuite au ralenti rythmée par une fascinante musique qui nous rattrapera plusieurs fois dans la suite du film, Wong Kar-Wai nous place d’emblée devant un chef-d’œuvre, un film unique en son genre et qui ne ressemble finalement à aucun autre. Cela se maintient d’autant plus dans la construction du récit,en deux parties qui n’ont à aucun moment un quelconque lien, si ce n’est le thème commun. Le but n’est pas de chercher une certaine cohérence narrative, mais bien de provoquer un appel au sens face à ce film d’une troublante beauté.
Dans ces deux complexes histoires d’amour, toutes les émotions passent par l’image. Les silences, les jeux de regard espiègles et parfois enfantins triomphent grâce aux acteurs, qui intègrent parfaitement le scénario et permettent d’aboutir à des scènes absolument fabuleuses où les corps s’expriment, s’appellent dans des séquences mélancoliques mais qui respirent la joie de vivre.
L’expérience n’aurait pu être ultime sans la mise en scène envolée choisie par le réalisateur. Avec sa caméra en mouvement quasi constant, il parvient à capter avec une justesse admirable les émotions et les pensées de ses personnages. Si les romances au cinéma sont souvent difficiles à transcrire et à échafauder, celles de Chungking Express font partie des plus belles qui puissent exister.
Critique complète à venir prochainement.
Titre Français : Chungking Express Titre Original : Chung Hing sam lam Réalisation : Wong Kar-Wai Acteurs Principaux : Brigitte Lin Ching-hsia, Tony Leung Chiu Wai, Faye Wong Durée du film : 01h37 Scénario : Wong Kar-Wai Musique : Frankie Chan, Roel A. Garcia Photographie : Christopher Doyle, Wai Keung Lau Date de Sortie Française : 22 Mars 1995 |