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[CRITIQUE] The Artist

La confiance. C’est sûrement ce qui est à la base de tout ce film, sans celle-ci,  The Artist n’aurait pas vu le jour. Quel producteur pourrait oser, en 2011 à l’heure où cinéma rime bien trop souvent avec effets spéciaux et 3D à foison, collaborer à l’élaboration d’un film français en noir et blanc et muet ? Et bien Thomas Langmann a cru à ce projet. Comme il le dit lui même, il a financé ce film car il a cru au potentiel artistique de Michel Hazanavicius, qui avait déja fait ses preuves avec les précédents OSS 117, comédies complètement décalées de ce que l’on pouvait voir en France jusqu’à pésent.
The Artist raconte suit donc George Valentin, star du cinéma muet de la fin des années 1920, et qui va très vite sombrer dans l’oubli avec l’arrivée du cinéma parlant. Peppy Miller fait partie de ces nouvelles étoiles montantes, et son chemin va croiser celui de l’ancienne star déchue. Une romance entre les deux va ainsi s’installer…

Le film est ce que l’on appelle un pari fou. L’envie de renouer avec les origines du septième art, Hazanavicius aime cette idée et on le ressent. Il a voulu s’essayer à un genre “disparu” depuis longtemps, aujourd’hui remplacé par l’utilisation souvent excessive des nouvelles technologies. On va donc voir ce film avant tout car il attise notre curiosité, on veut savoir si ce pari risqué est tenu, et on en ressort finalement conquis ! The Artist en tant qu’oeuvre est la preuve que l’anticonformisme peut avoir du bon, il n’y a pas plus plaisant que de découvrir quelque chose qui se trouve aux antipodes de ce qui tend actuellement à se standardiser de plus en plus en matière cinématographique.

Le réalisateur maîtrise vraiment son art, il l’aime au point de hisser son film bien au dessus d’un simple hommage. Même si ça ne sera probablement pas exploité, il signe presque un renouveau du genre, puisqu’il s’ancre tout de même dans notre temps. Il reprend parfaitement les bases de ce qui faisait le charmes de ces films : un noir et blanc superbement maîtrisé par le directeur de la photographie Guillaume Schiffman, et qui s’épargne les défauts de pellicule si courants à l’époque sans pour autant en perdre la grâce; l’absence de dialogues oblige à une présence quasiment constante de musique, elle aussi brillante puisqu’elle colle au mieux au ressenti des personnages, et le spectateur sait du coup immédiatement où se placer. De plus, les cartons sont évidemment présents et font parfois véritablement partie de la mise en scène plus que de la simple explication écrite. Il y a même quelques passages sonorisés, subtilement incrustés, qui témoignent de la déchéance de l’acteur face à l’arrivée du parlant. A ces fondements est ajouté tout ce qui a pu être appris, maîtrisé depuis cette époque pour en tirer le meilleur possible.

The Artist est aussi une intéressante mise en abîme, du cinéma dans le cinéma. Cet un exercice qui peut être risqué, encore plus dans un film exempt de paroles. Et une fois de plus, cette pratique est dompté. Ainsi, on arrive à différencier exactement les scènes ou les acteurs jouent dans le film de leurs personnages, et celles où ils tournent uniquement face à la vraie caméra. Et cela se vérifie aussi pour les deux cas en même temps.
En ayant pris l’habitude de tourner des films comme tout le monde le fait aujourd’hui, on imagine qu’il a pu être difficile de renouer avec ce qui faisait autrefois le charme des films muets, à savoir entre autres le jeu d’acteur. Et ici, ce dernier est l’une des grandes forces de ce film. Ils ont réussi à capter la subtilité qu’il faut savoir fournir lorsque les paroles sont absentes, et donc par moments surjouer pour faire passer les émotions par des expressions.

Le personnage incarné par Jean Dujardin est au début adulé, remarqué comme la grande star du muet, mais il est très vite marginalisé lorsque le cinéma parlant fait ses débuts. Il va devoir laisser place à de nouvelles recrues, ces dernières devant savoir fournir un jeu moins gestuel, moins caricatural vu que la parole est possible. On sent que le passé de comique de cet acteur n’est pas si loin, ce qui l’a probablement aidé à trouver les bonnes mimiques et gestuelles à adopter, car son personnage peut passer sans encombre du comique au tragique.
Berenice Béjo quand à elle diffuse une classe superbe, elle éblouit vraiment tout lorsqu’elle passe devant la caméra. On les croit tous deux vraiment sortis directement des années 1920/1930 tant ils sont imposants et émettent une classe à l’ancienne dans ce noir et blanc.
La déchéance du principal protagoniste est appuyée par la mise en scène qui le montrait droit et parfait au début, puis au fur et à mesure de sa décadence, la caméra bascule et filme certaines de ses scènes de travers. Quand sa carrière va mal, sa vie en va de même : sa romance avec Peppy Miller va lui faire perdre sa femme, sa seule réelle attache restant son chien. Ainsi, il va subitement passer de l’éblouissance des projecteurs, à l’ombre, souvent évoquée dans la mise en scène, jusqu’au final salvateur.

Plus qu’un simple hommage au cinéma muet, The Artist est une oeuvre complète qui mélange habilement romance, comédie et drame pour toucher le grand public. Doté d’une esthétique bluffante de beauté (un noir et blanc à la fois neuf et ancien), le film est aussi et surtout porté par le duo en tête d’affiche, Jean Dujardin et Bérénice Béjo sont incroyables de justesse et diffusent une classe rétro comme on en voit plus. Pari risqué mais remporté haut la main par Michel Hazanavicius.

 

Titre Français : The Artist
Titre Original : The Artist
Réalisation : Michel Hazanavicius
Acteurs Principaux : Jean Dujardin, Bérénice Béjo, John Goodman
Durée du film : 01H40
Scénario : Michel Hazanavicius
Musique : Ludovic Bource
Photographie : Guillaume Schiffman
Date de Sortie Française : 12 octobre 2011

 

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1 Comment

  1. Pyrogas

    Superbe. Merci beaucoup pour cet article et surtout pour la vidéo qui est à la fois intéressante et marrante. Un film que j’irais voir.

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