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Critique : Looper (Rian Johnson)

Avec Brick, Rian Johnson signait un film noir s’amusant à détourner chacune de ses règles en passant par le teenage-movie, quoi de plus atypique qu’un film habituellement mature dans une cours de récré ? Ne s’arrêtant pas en si bon chemin, il fit son oeuvre aussi sur Une Arnaque Presque Parfaite, pour enfin se tourner vers la science-fiction, et plus particulièrement le voyage dans le temps, trame devenue semblable à une bombe à retardement, explosant les quelques projets, à de rares exceptions, il semblerait que cette idée soit devenue tellement casse gueule que personne n’ose finalement s’y attaquer. Un scénario en filigrane n’est aujourd’hui plus suffisant, tant nos considérations ont changé…

Mais Rian Johnson ne fait rien comme les autres, il ne se prend pas le pied dans les clichés, à contrario il les retourne, les dissèque, pour ensuite les recomposer et nous offrir une nouvelle vision du genre en y ajoutant par-ci par-là des éléments volés typiques au western, à la série B, ou au film noir, et souvent bien opposés. C’est à travers cette ferveur inépuisable que Rian Johnson signe ce nouveau long-métrage pour lequel il rédige à nouveau le scénario, chose assez rare aujourd’hui pour être signalée.

Cette imagination débordante dont il fait preuve, afin de s’éprendre d’un récit abordant la traversée du temps, lui permet de mener une véritable ligne directrice cohérente et assez riche pour ne jamais faire preuve d’une quelconque défaillance, et ceux, sur tous les points qui entourent ce projet.

Dans Looper, Rian Johnson nous impose deux univers bien différents, d’un coté nous avons un monde contemporain, intelligemment placé dans un contexte finalement pas si différent du notre, la seule différence étant d’ordre technique : armes, véhicules, etc…, toutes faisant preuve d’une certaine nostalgie étrange, reprenant les formes d’objets passés. D’un autre coté, nous avons un monde ravagé, celui du futur, où un homme seul, le Rainmaker, détruit peu à peu le monde qui est le sien.

Typique, oui, prévisible, oui, c’est un fait que Johnson a très bien compris, c’est pour cela qu’il fixe brutalement son début et sa fin, mais construit habillement ce qui se trouve entre les deux, finalement fragments principaux de tout récit temporel. Mais là où le récit décolle vraiment, c’est à travers l’intelligence de son écriture pulvérisant la moindre once de déterminisme chez l’Homme. En ne nous amenant jamais à réellement entrevoir cet univers dévasté, à ne pas nous éprendre d’une histoire qui n’est pas la notre, en ne faisant du facteur temporel qu’un simple outil détourné et non un moteur central, Rian Johnson fait d’un banal postulat de départ une entreprise forte et assez intelligente, sans ensevelir notre cerveau sous une masse de considérations quelconques et hors-de-propos.

Si faiblesse il y a dans l’alchimie non convaincante des deux personnages principaux incarnés par Emily Blunt et Joseph Gordon-Levitt, à cause d’idées scénaritiques plus faiblardes que la moyenne du film, tout cela est vite essuyé d’un revers de la main par une simple question archaïque que chaque spectateur se pose : où est donc l’erreur ? Où le papillon a-t-il battu de l’aile ? A travers ces simples thématiques, Rian Johnson semble entreprendre une croisade jamais trop insistante contre l’auto-destruction humaine. Alors que tant d’idées entrent en jeu, il s’empêche pourtant toute étanchéité, rendant son récit universel par ses approches multiples. A travers son rythme fou, s’amusant à osciller in fine, il ne fait alors plus simplement qu’amasser de bout en bout les maillons nous amenant à la fin de son récit : en nous privant d’informations essentielles, en nous laissant en plan sur le devenir de certains personnages, en ne faisant que suggérer le lien entre certains personnages par des simples plans et jeux de regards, l’intrigue ne fait pas que se poser, elle s’assure une logique sans faille où il est dur de ne pas s’intéresser à chaque individu.

Il est évident que l’intrigue principale tourne autour de “Joe” et “Joe”, le vivant et le raisonnable, devenant chacun némésis perdus dans les souvenirs de l’autre, partageant des convictions aussi fortes et des principes humains tout aussi fondés, ne laissant l’ombre d’un doute finalement que sur l’avenir des gens qui les entourent. Ce duo, possible grâce à la prouesse du duo face caméra : Joseph Gordon-Levitt, dont les prothèses ne choquerons que quelques minutes avant de devenir artifice du mythe, et Bruce Willis, égal à lui même, représente l’absolue rivalité des idées que nous confrontons en nous mêmes, où le choix peut finalement sauver une vie, ou la détruire. A leurs cotés évoluent cependant les victimes de ces choix, adroitement mis à l’écart de l’existence possible de la solution définitive que représente le voyage dans le temps, ou perdue dans celle-ci.

Par ce simple principe, tout personage devient alors pur, naïf, inconscient de la possibilté de remodeler sa vie, imbricant des considérations morales, familiales, éducationelles, avec toujours ce savoir-faire exécrable. Savoir-faire dont Rian Johson et son ami Steve Yedlin, directeur de la photo avec qui il travaille depuis Brick, fait aussi preuve en mise en scène. Non seulement ils illustrent leurs propos d’une photo sans failles, juste assez terne pour pousser nos souvenirs à des films moins récents, nous replaçant inconsciemment dans une autre époque, mais surtout, à travers ce qu’il a à nous montrer, dans ses éllipses privatives et sa lisiblité narrative sans failles, ce sont des plans somptueux qui ressortent et qui iront titiller les souvenirs de beaucoup d’entre nous, notamment en réincarnant de nouveau ici le personnage ambigue de Tetsuo - de manières moins volatile qu’il y a peu dans d’autres films - et allant jusqu’à faire appel à un deus ex machina au sens premier du terme. Osant la violence extrême et le viol de la nature candide de l’enfant, Rian Johnson ne fait qu’assumer la réalité qu’il veut nous dépeindre, ce qu’il appelle son “réalisme théatral” appuyant encore un peu son univers et sa trame. Cette symbiose enivrante des genres et d’idées assumées nous plongent entièrement dans un flot d’émotions constant et nuancé juste ce qu’il faut.


Dans un futur proche, la Mafia a mis au point un système infaillible pour faire disparaître tous les témoins gênants. Elle expédie ses victimes dans le passé, à notre époque, où des tueurs d’un genre nouveau (les « Loopers ») les éliminent. Un jour, l’un d’entre eux, Joe, découvre que la victime qu’il doit exécuter n’est autre que… lui-même, avec 20 ans de plus. La machine si bien huilée déraille…


Looper est le film prouvant que la SF est aujourd’hui un genre qui ne peut qu’aller de l’avant, en tout cas pour qui cessera de se tourner en arrière pour essayer de convaincre un public finalement non pas à l’affut d’une montée de principes déjà connus, montrant qu’il est possible aujourd’hui, dans notre société actuelle de faire entrer de nouvelles conditions dans ce genre trop souvent maltraité par le mauvais goût d’un trop gros nombre de réalisateurs.
Titre Français : Looper
Titre Original : Looper
Réalisation : Rian Johnson
Acteurs Principaux : Bruce Willis, Joseph Gordon-Levitt, Emily Blunt
Durée du film : 1h 50min
Scénario : Rian Johnson
Musique : Nathan Johnson
Photographie : Steve Yedlin
Date de Sortie Française : 31 octobre 2012

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