Oz - AfficheIl y a de longues années, Le Magicien d’Oz avait gravé d’une pierre symbolique une nouvelle histoire du cinéma. Illustration du passage en couleurs et d’une partie de la culture américaine lorsque le rêve était autant porteur d’espoir que d’une morale éducative, le film de Victor Fleming était, et restera sans aucun doute la plus belle adaptation possible du roman de Lyman Frank Baum. Si sa suite, Oz, un monde extraordinaire, n’est définitivement pas animée de la même fougue, Sam Raimi lui, ne prétend jamais avoir l’intention d’occulter le chef d’œuvre dont il s’inspire. Car au-delà d’être un simple prequel, Le Monde Fantastique d’Oz n’a jamais l’arrogance de n’être plus qu’un véritable hommage et une simple redescente dans ce monde dans lequel n’importe quel homme rêverait pouvoir s’établir.
Loin d’idées complexes, Le Monde Fantastique d’Oz n’est pourtant pas dénué d’idées morales, écrivant l’histoire de l’homme que l’on résume aujourd’hui par le titre « Magicien d’Oz » : Oscar Zoroaster Phadrig Isaac Norman Henkel Emmannuel Ambroise Diggs ou Oz pour les intimes. Ce magicien de cirque peu scrupuleux, que l’on pourra apparenter sans aucun mal à un charlatan à la recherche du boniment parfait, du tour qui changera sa vie, ne fait que s’échapper constamment de ses obligations, parfait utilitariste dans l’âme.
Oz ne changera pas cette vision du monde qu’a Oscar Diggs, ce sont les rencontres humaines comme étrangères que met en scène Sam Raimi, qui amèneront peu à peu Oscar Diggs sur le chemin du Magicien faiseur de souhaits que l’on connaît aujourd’hui.

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Le travail qu’effectue Sam Raimi est ainsi l’œuvre d’un orfèvre, s’attardant sur chaque instant de son film afin de ne délaisser aucuns moments et personnages. Parsemé de belles envolées scénaristiques, avec des moments de bravoures comme seul sait les manier le réalisateur, l’on retrouve avec plaisir ce traitement si atypique de la narration décalée, basculant ses personnages sur différentes nuances d’humour tout en soulevant divers enjeux dramatiques forts. Sam Raimi, bien loin de s’attaquer uniquement au mythe, offre tout au long de son film une véritable pensée par rapport à la naissance et le contexte de son modèle. Sorte de réflexion artistique à première vue élémentaire, il nous renvoie dès les premières minutes du film à l’architecture du Magicien d’Oz de Victor Fleming. Introduit par une séquence en noir et blanc et suivi d’un univers haut en couleurs, Sam Raimi reprend ce même schéma, comme si il essayait à l’heure du numérique, de nous rappeler l’impact qu’avait ressenti toute une génération face à une telle utilisation du Technicolor. Plus que de simples jeux de couleurs, il se tourne aussi subtilement sur l’héritage même du cinéma aux Etats-Unis. Tous les appareils filmiques, outils de prestidigitations et de foires, dans les mains d’Oscar Diggs, sont bien loin de l’idée que nous, français nous en faisons tels que nous voyons le cinéma sous le règne des frères Lumière. Chez l’Oncle Sam, Thomas Edison, modèle parfait du prestidigitateur qu’Oscar Diggs rêve d’atteindre, est, et restera longtemps, l’inventeur du spectacle cinématographique.
Le récit n’accuse donc aucune grosse baisse de rythme, appuyant une nouvelle fois ses enjeux sur cette envie du spectateur d’en découvrir plus, de ne pas voir cette histoire s’achever si vite. Là est l’handicap d’Oz, malgré ses intentions claires et sa narration scintillante, Sam Raimi nous précipite dans son univers, et enchaîne les péripéties à une trop grande vitesse, nous laissant l’amère impression d’assister à bien trop d’ellipses narratives qui auraient mérité d’être approfondies. Si le personnage d’Oscar Diggs bénéficie d’un travail sans reproche, évoluant de la même manière que la petite Dorothy Gale, découvrant émerveillé ce monde qui lui est offert et découvrant plus qu’il n’aurait pu l’espérer, lui, ne se contente pas de parcourir le chemin de brique jaune. Son ami Finley, le singe volant, fonctionne dès ses premières répliques. En revanche les sorcières, ou bien la petite poupée de porcelaine - malgré une construction scénaristique intéressante - pâtissent du rythme global.

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Néanmoins, si le film s’évertue à garder un trajet dialectique, se voulant explicatif sur les événements du premier film, il réussit tout de même à s’échapper d’un moule trop rigide et refermé pour laisser les choses aller. Une véritable identité née du projet, cette utopie naïve, détruite par les défauts que touchent le commun des mortels, n’a certes pas les même considérations morales et éducative que son original, mais propose tout de même une magnifique identité unique et dynamique, tout en abordant de nouveaux thèmes, mais en gardant cette idée que quiconque vient à Oz se redécouvre et apprend à mieux se connaître. Si la petite Dorothy découvrait avec fascination ce monde, Oz, l’homme de foire, l’homme de prestidigitation, remplace la naïveté candide de cette dernière, par l’amour de ce monde qu’il a toujours rêvé être le sien, afin d’y croire et ne pas se retourner chaque seconde, comme si les ombres de la mort et du délire planaient en réalité sur lui. Car là où l’on ne se posait pas de questions sur la facilité qu’avait une petite fille à imaginer un tel monde, à y croire, pour un homme plus mûr, toute cette idée est fondement du film, un seul doute et tout s’écroule pour le spectateur. Comment faire confiance à un univers dont le protagoniste principal se méfie lui-même?
On pourra pointer du doigt certaines tares visuelles, telles que des soucis d’incrustations, mais au-delà de celles-ci, un tel monde s’illustre que l’on peut facilement les oublier et vivre cette histoire qu’est celle d’Oscar. Ce monde purement féerique, de rêve, où la violence n’a pas sa place ailleurs que dans la nature même de celui-ci, s’avère être une véritable mine d’or, véritable matière à rêver. Il ne faut pas néanmoins déposer sur le film le label « Alice aux Pays des Merveilles », malgré un opportunisme clair de la part du studio référent, et même si les producteurs ne sont pas étrangers à ce soucis, Sam Raimi crée tout un univers cohérent, si bien que l’on aura tendance à voir dans Le Monde Fantastique d’Oz un film amputé de bien d’autres idées et d’architectures. Ces 2 heures ne suffisent clairement pas pour bâtir une chimère si grande que le magicien d’Oz.

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Le film a en revanche un véritable défaut, plus grave que cette envie d’en voir plus, de l’ordre du casting et portant le nom de Mila Kunis. La jeune fille ne convainc jamais - à l’inverse d’un James Franco au sommet de sa forme -, que ce soit dans la première comme la seconde forme de son jeu. Si certains tics du personnage peuvent être intentionnels, son jeu facial, lui, reste bien de l’ordre du surjeu non maitrisé, facilement ébranlable et surtout très pauvre en émotion et seul instant de mauvais goût dans cette peinture jusqu’alors fournie d’idées rendant ce monde concret et fascinant.
Si cette impression nous empêche de profiter pleinement du dernier quart du film, Le Monde Fantastique d’Oz amène si judicieusement son final, que ce dernier équilibre cette tâche indélébile. Tout en mettant ainsi à bas, en détruisant le personnage d’Oz, pour bien recommencer à ses racines, Sam Raimi permet au personnage de réellement exister, d’être bien plus qu’un visage sur un écran de fumée que l’on attend durant deux heures. Car s’attaquer au personnage d’Oz maintient ce risque que le film n’ai pour existence que l’explication des péripéties du film original. Sam Raimi balaye sans difficulté cette peur, et ce par le biais d’artifices aussi concrets que forts, permettant à cette attente de devenir une véritable conséquence de l’heure et demi précédant l’événement, et non pas à une lubie d’un réalisateur quelconque s’attaquant au remake/prequel d’un chef-d’œuvre déjà existant.
Enfin, si l’on remerciera avec un sourire forcé Disney pour l’implication de Mariah Carey dans la promotion du score du film, c’est en revanche avec un sourire honnête que l’on apprécie la réconciliation entre Sam Raimi et Danny Elfman. Après tout, qui d’autre mieux que Danny Elfman aurait pu offrir un score digne de ce nom à un film dans un univers tel que celui d’Oz aujourd’hui ?


Lorsque Oscar Diggs, un petit magicien de cirque sans envergure à la moralité douteuse, est emporté à bord de sa montgolfière depuis le Kansas poussiéreux jusqu’à l’extravagant Pays d’Oz, il y voit la chance de sa vie. Tout semble tellement possible dans cet endroit stupéfiant composé de paysages luxuriants, de peuples étonnants et de créatures singulières ! Même la fortune et la gloire ! Celles-ci semblent d’autant plus simples à acquérir qu’il peut facilement se faire passer pour le grand magicien dont tout le monde espère la venue. Seules trois sorcières, Théodora, Evanora et Glinda semblent réellement douter de ses compétences… Grâce à ses talents d’illusionniste, à son ingéniosité et à une touche de sorcellerie, Oscar va très vite se retrouver impliqué malgré lui dans les problèmes qu’affrontent Oz et ses habitants. Qui sait désormais si un destin hors du commun ne l’attend pas au bout de la route?


Après 4 années d’absences, Sam Raimi ne déçoit pas. Malgré quelques faiblesses, ce premier voyage à Oz se déroule à merveille, nous amenant à rêver et à retomber en enfance. Sans une once de prétention, il nous offre un univers captivant dans lequel nous aimerions au final passer plus de temps.
Titre Français : Le Monde fantastique d’Oz
Titre Original : Oz: The Great and Powerful
Réalisation : Sam Raimi
Acteurs Principaux : James Franco, Mila Kunis, Rachel Weisz
Durée du film : 2h 7min
Scénario : Mitchell Kapner & David Lindsay-Abaire d’après l’oeuvre de L. Frank Baum
Musique : Danny Elfman
Photographie : Peter Deming
Date de Sortie Française : 13 mars 2013

A propos de l'auteur

Rédacteur stellaire, parle cinéma, jeux-vidéo et de bien d'autres choses inutiles. Dirige entre autres les larbins qui enrichissent ce blog fondé quelque part aux environs de l'an de grâce 2011. Raconte des bêtises sur @noxkuro

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