[CRITIQUE] La Couleur des Sentiments

Tate Taylor n’aura eu besoin de faire que seulement deux films en tant que réalisateur pour faire parler de lui, et surtout en bien. En effet, La Couleur des Sentiments a déjà gagné en médiatisation suite à sa présentation au dernier Festival du film américain de Deauville. Basé sur le roman de Kathryn Stockett, le succès de ce dernier renforce l’attraction des cinéastes sur le sujet, tout en sachant qu’il amènera certainement les lecteurs dans les cinémas pour se faire un avis sur la qualité de cette adaptation.
Il y a dans ce film histoire et Histoire : celle, véridique, de la ségrégation raciale des années 1960 aux Etats-Unis, et le quotidien (intimement) lié de bourgeois blancs et de domestiques noirs. L’intérêt est avant tout porté sur Skeeter, jeune femme blanche, qui, à l’instar de ses proches, va vouloir faire bouger les choses en faveur des personnes victimes de racisme. Elle va devoir braver les lois de son pays afin de recueillir des témoignages et en écrire un livre…

Des films qui traitent d’un thème aussi dur que celui-ci, on en a déjà vu, malgré le fait que ce soit des événements historiques tout de même récents. Production DreamWorks oblige, on imagine aisément que le film n’est pas tragique et bouleversant. C’est ainsi que Tate Taylor signe un film intéressant, plein de courage, mais aussi d’espoir.

Le réalisateur maîtrise son sujet, et ça se sent : certaines scènes sont fortes et révoltantes face à certaines humiliations que peuvent subir les domestiques, tandis que d’autres sont plus légères et prises avec humour. On assiste à des brins de vie, qui elle même semble banale, mais qui possède une réalité qui nous dépasse aujourd’hui, celle de la ségrégation, surtout dans un pays tel que les Etats-Unis, se voulant terre de liberté et de “self-made man”. Il joue donc avec un message qui se veut finalement plus profond que celui du simple pointage du doigt sur ces moeurs de l’époque qui visaient à séparer les personnes de couleur, voir à les mépriser; un message qui porte avant tout sur la volonté de Skeeter de vouloir faire changer les choses, quitte à prendre des risques, face à ce milieu qui ne semble absolument pas prêt à accepter un quelconque changement concernant le statut des personnes qui ne sont que des domestiques à leurs yeux.

Mais la principale force de La Couleur des Sentiments, c’est avant tout un film porté par un casting féminin, les quelques hommes présents face à la caméra sont vite relégués au second plan. De ces femmes, il y a toutes les représentantes : les principales femmes noires sont jouées par les excellentes Viola Davis et Octavia Spencer (Aibileen et Minny), pour lesquelles on éprouve forcément de l’empathie, mais aussi de l’admiration, grâce à leur force qui leur permet d’encaisser les épreuves qu’elles subissent jour après jour. Ces épreuves, elles sont provoquées par certaines femmes blanches, dont la plus cruelle montrée à l’écran est certainement Hilly (Bryce Dallas Howard). Un personnage complètement hypocrite qui ose organiser des gala de charité pour les africains dans le besoin, mais qui traite ses domestiques comme des moins que rien lorsqu’elle se retrouve chez elle. Mais la personnalité forte de ce film, à l’opposé d’Hilly, c’est bien Skeeter (Emma Stone), qui va braver les lois et mener un long combat afin de convaincre ces femmes noires de lui raconter leur quotidien,les rencontrer en secret. C’est avec ce geste qu’elle souhaite faire prendre conscience à son entourage (et même plus) que malgré leur apparente modernité, une communauté vit  des choses parfois inhumaines.

Enfin, il y a Jessica Chastain, qui décidément perce cette année mais loin des rôles qu’on lui a déjà donné, en Célia Foote, une blonde platine qui donne une impression complètement dingue quand on la voit pour la première fois, mais qui est en fait déphasée par rapport à son temps, comme si elle faisait abstraction des moeurs de son époque, puisqu’elle ne se soucie pas de l’interdiction de côtoyer les gens de couleur.
Ces personnages provoquent un certain manichéisme, mais qui paraît inévitable dès lors que ce sujet est évoqué, et qui n’entrave pas le déroulement du récit.
Le film se révèle être d’une grande humanité, mais aussi d’une humilité certaine, le fait que Skeeter se positionne contre les lois en publiant ce livre ne la fait pas s’élever en tant que protagoniste salvatrice; le film ne fait que dépeindre des tranches de vie, non sans une agréable dose de lyrisme.

Il manque un certain souffle à La Couleur des Sentiments pour que ce soit un grand film, mais sa force repose dans l’histoire qu’il raconte tout en l’ancrant dans l’Histoire. Les personnages sont riches et donnent une réelle consistance au récit dans ce superbe Mississippi de l’époque, que ce soit dans les moments forts ou plus légers.
Titre Français : La Couleur des Sentiments
Titre Original : The Help
Réalisation : Tate Taylor
Acteurs Principaux : Emma Stone, Jessica Chastain, Viola Davis
Durée du film : 02H26
Scénario : Tate Taylor, d’après l’oeuvre de Kathryn Stockett
Musique : Thomas Newman
Photographie : Stephen Goldblatt
Date de Sortie Française : 26 octobre 2011
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