[one_third last="no"]Deauville[/one_third][two_third last="yes"]

FESTIVAL DU CINEMA AMERICAIN DE DEAUVILLE

Edition 2013

PREMIERE I HOMMAGE NICOLAS CAGE

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Cette année, l’hommage dédié à Nicolas Cage représente aussi l’occasion pour lui de présenter en avant-première deux de ses nouveaux films : Joe et Suspect, situés à deux antipodes, l’un traitant d’un aspect noir et réaliste de l’humanité tandis que l’autre s’approche du canevas plus conventionnel du polar. Il s’agit aussi d’une occasion pour lui de se rattraper après les derniers films trop souvent médiocres auxquels il nous avait habitué. Celui qui nous intéresse aujourd’hui est le film de David Gordon Green : Joe. Le réalisateur, dernièrement acclamé pour le film Prince Avalanche au cours du Festival Paris Cinéma, tranche complètement avec la naïveté candide de la vie pour au contraire nous offrir un drame familial noir et dépourvu de toutes concessions. Précis et cru dans sa manière d’aborder son sujet, il n’hésite pas à le traiter de la même manière que ce dernier évolue au fil du récit. En se basant sur l’oeuvre de Larry Brown, David Gordon Green parvient ainsi à capter un fragment du Texas. Récit sombre et pourtant humain, où Joe est juge et victime, criminel et figure paternelle, ce film est aussi l’occasion pour Nicolas Cage de nous rappeler ce qui avait fait de lui l’acteur aujourd’hui reconnu. Car oui, Joe est bien ce qui pourrait être la première figure d’un nouveau Nicolas Cage, loin du superficiel, presque transfiguré dans l’underplaying.

Joe 1

Joe ne nous perd jamais. Et c’est assez rare aujourd’hui pour un film durant presque deux heures pour être noté. Nous tenant constamment en haleine, le réalisateur qui avait su se faire un nom par la comédie réutilise brillamment les différents codes de cette dernière pour nous offrir des pointes de cynisme et d’humour noir parfois oppressantes. Néanmoins jamais le film ne s’efface complètement devant la figure iconique de Nicolas Cage. Car ce sont bien les histoires de deux personnages qui se forment dans ce film : celle de Gary et celle de Joe. Ainsi, si la figure paternelle semble omniprésente, jamais le personnage incarné par Tye Sheridan n’avoue être un enfant, tout au contraire même. Dès que l’occasion lui est donnée, c’est en tant qu’homme que ce dernier agit.
La pointe de cynisme présente n’est jamais source de comique de situation, parsemée et bien dosée, elle permet d’offrir de court instant de joie dans la violence omniprésente que propose Joe. Le personnage même de Joe a perdu de nombreuses années en prison, ce dernier a toujours beaucoup à apprendre de la vie, tout comme Gary, un vagabond vivant aussi bien que possible avec sa famille. Ainsi, selon les nécessités, le duo alterne les positions de père et de fils. Ce lien friable, David Gordon Green le détruit avec autant de facilité par le biais de la relation entre le père naturel de Gary et ce dernier. Avec cette même facilité déconcertante, qui pourtant aurait pu paraître grossière, une vraie empathie naît de cette relation. Empathie s’accentuant quand ce portrait de l’humanité commence à devenir de plus en plus concret. Car Green parvient à nous toucher à l’aide de la figure de son père. Ainsi, même si elle représente à elle seule la négation complète de ce que doit être l’humanité, à travers la courte introduction du film et quelques rires que laisse échapper le personnage, Green construit un personnage simplement détruit par une chose qui jamais ne sera offerte au spectateur.
Pourtant, la figure paternelle que dessine le roman de Larry Brown n’a rien de celle enviable et rêvée, Joe est aussi franc que son image est construite de la manière la plus réaliste possible. Lorsque ce dernier se propose de dépecer un daim, celui-ci n’a rien de fictif, et son dépeçage par Joe nous touche lorsque que l’on sait qu’il n’ose pas à recourir à la violence pour progresser, sauf lorsque ce dernier se retrouve psychologiquement acculé par l’humanité. Ainsi, même si Joe est un homme perdu, sociopathe, il n’hésite pas à proposer une porte ouverte vers un avenir meilleur à toute personne aussi perdue que lui. Sorte de sauveur s’autodétruisant dans l’alcool et un désir refoulé dans la violence, ce sont par ses actes qu’il parvient à donner aux autres la confiance de croire en lui.

Joe 2

Récit intimiste, la caméra alterne une multitude de plans principalement fixes, même si majoritairement sa mise au point et sa frontalité nous colle complètement dans l’intimité des personnages. Lorsqu’elle propose un mouvement, jamais elle ne s’éloigne de l’humain qu’elle dissèque. Malheureusement, la photographie s’avère inégale, alternant de magnifiques plans de nuit, dessinant habilement la stature des personnages y évoluant, et de monotones scènes de jour, uniquement brisées par l’anarchie de la forêt où progressent les travailleurs de Joe. Néanmoins, le travail de David Wingo sur la bande-son s’avère extraordinaire, écrasant ou soulevant l’odyssée de cette nouvelle paternité contre l’indifférence, la musique parvient ainsi respectivement à symboliser l’atrocité de la situation comme la joie d’un instant éphémère.
Mais comment ne pas rester subjugué simplement par le retour de Nicolas Cage à des rôles plus matures ? Utilisé entièrement à contrepoint, il parvient néanmoins à nous procurer une figure extraordinairement humaine, aussi faible que déterminée. Avec cette figure demandant une rigueur et une implication inhabituelle pour l’acteur en vue de ses dernières années d’activités, Nicolas Cage semble bien revenu d’entre les morts. Espérons maintenant que Suspect confirme ce retour pour un acteur qui ne mérite pas de tomber dans les abysses du nanard. Mais Tye Sheridan n’a rien à envier à l’acteur vedette. Le jeune acteur excelle une nouvelle fois dans ce type de personnage. Le professionnalisme dont il fait preuve depuis The Tree of Life puis Mud, faisant parfois de lui le visage d’un archétype détruit par une famille pittoresque, parvient néanmoins sans difficulté à nous fasciner une nouvelle fois, devenant le véritable deuxième visage du dytique que forme Joe. Jamais il ne parvient à assumer la réalité des choses qui pousserait pourtant n’importe quel autre humain à partir, laissant derrière lui les vestiges d’une famille détruite par la pauvreté. Son travail est aspiré par un père ivrogne, destructeur et autoritaire, et sa mère, pourtant au courant des dessous d’une telle relation, n’aspire jamais à une quelconque indépendance. Ce portrait vient compléter celui offert par Nicolas Cage. Celui-ci, déjà perdu dans ses propres problèmes n’hésite pourtant pas à offrir son aide à plus démuni que lui. Tout comme le premier, beaucoup dépendent de lui, et un visage féminin semble être la source d’inspiration que jamais ils ne parviennent à exprimer.
L’autre force de Joe est de construire une figure complexe sans jamais jouer sur la redondance des mots. Ce qui peut être joué est ainsi dénué de paroles. Faith, le chien participe à cette figure, indépendante, mais attachante.
Ainsi, le portrait que dresse chaque personnage participe à une fresque aussi noire que complexe. Cette ambiance qui découle de Joe nous secoue à chaque nouvelle évolution. Sous cette lourdeur, un unique rayon de soleil nous garantit alors un espoir fascinant. Rayon de soleil rapidement écrasé par un final déconcertant, apothéose de la noirceur de chaque personnage, pour enfin ne laisser que le bon dans un unique personnage, élève de cette violence pourtant irrésistible.
Toutefois, une nouvelle fois dans le cinéma de David Gordon Green l’image de la femme semble être dévolu à servir le propos purement scénaristique, si implicitement la condition de la fille est offerte au spectateur par le silence dont elle fait preuve, sa mère, si ce n’est par quelques inserts, ne vit jamais au-delà du cadavre quelle représente. Il en est de même pour la petite amie de Joe, figure trop éphémère pour changer son personnage.


Joe pourrait bien être le grand retour de Nicolas Cage, qui plus est au côté d’un acteur tel que Tye Sheridan en pleine ascension. Oeuvre noire et subversive, Joe confirme que David Gordon Green est un véritable auteur capable de jouer avec chaque genre, tant que ceux-ci permettent une retranscription exact d’une ambiance unique et d’une idée forte.


    A propos de l'auteur

    Rédacteur stellaire, parle cinéma, jeux-vidéo et de bien d'autres choses inutiles. Dirige entre autres les larbins qui enrichissent ce blog fondé quelque part aux environs de l'an de grâce 2011. Raconte des bêtises sur @noxkuro

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