[CRITIQUE] Hugo Cabret

Martin Scorsese n’est plus à présenter, tant ses multiples oeuvres ont marquées et influencées le cinéma dès de la fin des années 1960. Lui, à qui certains collent légitimement, mais parfois sans connaissance de cause l’étiquette de maître du film de gangster, sait bien que ses preuves en la matière ne sont plus à faire. Mais bien loin de lui l’idée de reposer sur ses lauriers, le réalisateur signe avec Hugo Cabret un double coup d’essai : dans un premier temps en élaborant un film de Noël en apparence destiné aux enfants, ce qui implique l’usage d’un ton plus léger et antithétique à la majeur partie de sa filmographie; puis dans un second temps en se mettant lui aussi a utiliser la 3D.
C’est donc un défi qu’il se lance, et il est vrai qu’à l’annonce du projet, puis plus tard à la vue des divers trailers, un sentiment de perplexité, voir de doute n’a pas empêché à nombre de détracteurs de l’enterrer avant même la sortie du film. De plus vendu à tort par les distributeurs comme un simple conte pour enfants comme on peut en voir tous les ans  à cette période, le film ne se limite bien heureusement pas qu’à cela, puisque c’est avant un vibrant hommage au cinéma. Hugo Cabret semble d’ailleurs paradoxalement assez inintéressant a voir pour des enfants.

Hugo, cet enfant orphelin qui vit dans les endroits éclipsés d’une grande gare parisienne, veille à l’entretien de tous les mécanismes horlogers du bâtiment et les préserve, aussi complexes soient-ils. Cependant, un automate, le seul souvenir subsistant de son père et ayant donc une valeur sentimentale toute particulière pour lui, daigne fonctionner faute d’une clé manquante, en forme de coeur. Hugo va obtenir cette clé grâce à Isabelle, et ils vont ainsi tenter de découvrir les mystères que recèle l’automate…

Scorsese donne du coeur à son oeuvre, et cela se ressent dès la virevoltante introduction qu’il nous offre à travers un plan séquence assez fabuleux et permettant par l’occasion de  présenter les lieux. La mise en scène et l’occupation de l’espace par la suite seront toujours aussi bluffantes. Cependant, et c’est sûrement ici l’unique reproche que l’on puisse faire au film, on assiste malheureusement à une mise en place de l’univers assez molle et fastidieuse. Le récit se focalise ainsi sur le personnage principal, l’enfant connaît les moindres recoins de la gare comme sa poche. On assiste en somme à la routine quotidienne d’Hugo, rythmée par ses jeux de cache-cache qui finissent occasionnellement par des courses poursuites avec le chef de gare, campé par le clown Sacha Baron Cohen. La première partie du film est un peu poussive, mais la fluidité de la caméra lorsqu’elle suit Hugo rend néanmoins le personnage attachant dans cette gare, cette dernière étant pour l’anecdote un amalgame de plusieurs bâtiments parisiens puisqu’elle a été reconstituée en studio.
Scorsese a ce pouvoir de filmer les lieux d’une façon si particulière, sans pour autant qu’on puisse la définir concrètement. Lui qui donnait une âme incroyable à sa ville de coeur, New York dans Taxi Driver ou encore After Hours, réussit ici à faire revivre le Paris des années 1930. Avec ses jeux de lumières chaudes et froides en fonction des personnages, la ville, mais surtout la gare, s’animent et prennent vie, le calme ou la frénésie de la masse fourmillante s’active selon les mouvements de premier plan. Toute une galerie de personnages secondaires est aussi mise en place en parallèle, contribuant à animer ce lieu palpable, mais qui paraît pourtant fictif par moments, s’amusant par exemple à créer des amourettes de café. A noter aussi l’utilisation de CGI, souvent remarqués, mais qui permettent pourtant de donner une profondeur non négligeable aux plans larges et aériens de la ville.
Mais le véritable sujet du film, qui est par ailleurs sa grande force, est l’hommage de Martin Scorsese au Cinéma. C’est là que la deuxième partie du film devient passionnante, il réalise ici une des plus belles déclarations d’amour jamais vu pour le 7e art. Il déclare plus particulièrement sa flamme à celui qui peut être considéré comme l’un des pères fondateurs du cinéma tant ses oeuvres ont apportées depuis à la matière : Georges Méliès.

On sait Martin Scorsese cinéphile, et l’on sait aussi qu’il aime le démontrer et partager sa passion dès qu’il peut en avoir l’occasion, que ce soit devant ou derrière la caméra. Mais il atteint dans Hugo Cabret un niveau de passion extraordinaire et nous offre un des hommages les plus poignants que l’on ait pu voir. Sa passion est parfaitement transcrite à l’écran, et est même mise en abîme par la même ardeur qui animait Méliès pour l’illustrer, il a su capter le but premier pour lequel ce dernier s’adonnait au cinéma, c’est à dire fabriquer du rêve et le transposer à l’écran. Finalement, c’est ici un retour à l’essence même du cinéaste qui est effectuée, c’est lui qui permet aux gens de s’évader.
En témoigne cette scène virtuose montrant les travaux de Georges Méliès qui étaient couchés sur papier et enfermés dans une malle s’envoler de toutes parts dans une chambre et faire en sorte qu’ils reprennent vie; ou encore en montrant les réactions des premiers spectateurs aux films des frères Lumière, afin de souligner le génie de cette invention tout en les remerciant en redorant le blason de celui qui allait injustement finir sa vie dans l’ombre, et en le dressant finalement en véritable héros du film.
Le film a été directement filmé en 3D, évitant donc les conversions en post-production, et il faut dire que cela a aboutit à un résultat bluffant et magique. Les images ne sont pas sombres comme souvent et la profondeur créée est toujours bien utilisée, ce qui fait de Hugo Cabret un des meilleurs films en 3D déjà sortis.
Scorsese souhaiterait d’ailleurs utiliser à nouveau cette technologie, il semble s’amuser avec comme un enfant à qui l’on offre un nouveau jouet, lui qui s’apparente énormément au héros du film, qui se découvre aussi une passion dévorante pour le cinéma.

Malgré un démarrage assez lent et poussif, Hugo Cabret s’avère être bien plus qu’un simple conte de Noël car c’est avant tout une énorme déclaration d’amour au cinéma et aux travaux de Méliès. Martin Scorsese est un grand homme, il respire le cinéma et le fait aussi pour son film.

 


Titre Français : Hugo Cabret
Titre Original : Hugo
Réalisation : Martin Scorsese
Acteurs Principaux : Asa Butterfield, Ben Kingsley, Sacha Baron Cohen, Chloe Grace Moretz
Durée du film : 02h08
Scénario : John Logan, d’après l’oeuvre de Brian Selznick
Musique : Howard Shore
Photographie : Robert Richardson
Date de Sortie Française : 14 Décembre 2011

A propos de MrLichi

Rédacteur Ciné
Posté dans A LA UNE, CRITIQUES et taggé , , , , , , , , , . Mettre en marque-page le permalien.

2 commentaires

  1. J’ai trouvé ce film poussif et ennuyeux.
    Vivement la retraite! :x

    Répondre

    • Déjà la retraite ? :mrgreen:
      Sinon, pareil, j’ai vraiment eu du mal avec la 1ere partie du film, mis dès qu’il attaque son hommage, c’est vraiment sublime !

      Répondre

Poster un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*


9 × = quatre-vingt un

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>