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[CRITIQUE] Headhunters

Etrange Festival 2012 – Catégorie « Compétition Nouveau Genre »

Trop rares sur notre territoire, les films venus du Nord semblent depuis peu s’émanciper de plus en plus vers la France. En premier lieu, on pense logiquement à l’adaptation du best-seller Millenium, car même si elle est assez décriée, la trilogie a le mérite de faire parler d’elle, et il en va de même pour Troll Hunter l’année dernière. En 2012, la Norvège nous a déjà offert le très beau Oslo, 31 Août, road-trip mélancolique d’une journée dans la vie d’un ancien toxicomane, dans l’incapacité à retrouver sa place dans la ville. Et, même si aucune date française n’est encore annoncée,  elle réitère en cette fin d’année avec Headhunters, nouvelle adaptation d’un polar tout aussi froid, écrit par Jo Nesbø, et porté à l’écran par Morten Tyldum, son troisième film.
L’écrivain se paie le luxe de son nom imposant sur l’affiche, preuve s’il en est de sa popularité, aux côtés du désormais célèbre Nikolaj Coster-Waldau, et du moins connu mais tout aussi imposant Aksel Hennie. En résulte un formidable polar, à l’humour noir, pinçant, mais pas toujours utile.

Dans une première partie, Headhunters dépeint, non sans une pointe de moquerie sur son atmosphère presque factice, le milieu de l’art. Montré comme un monde à part, le récit se place selon le point de vue de son personnage principal, Roger Brown. Comme dans un jeu, pourtant sérieux ici, le réalisateur s’amuse à dresser un portrait détaillé de son protagoniste principal et de son milieu de vie. Chasseur de têtes, il est aussi et surtout voleur de tableaux d’une valeur inestimable, ce qui explique sa fortune.
Le portrait de cet homme, matérialiste au possible, le place d’emblée comme une personne ambiguë, à la fois détestable par sa vision de la vie, mais qui pourtant force au respect par sa réussite. Son physique qu’il revendique comme peu attractif  est contrebalancé par sa richesse, qu’il n’hésite pas à utiliser sciemment pour gâter sa femme, qu’il ne semble d’ailleurs pas mériter.
Dans ce milieu urbain trop lisse, les vols de tableaux opérés par Roger s’inscrivent comme un début de basculement dans une situation embarrassante, même si l’on est alors loin de s’imaginer jusqu’où le vice sera poussé. La question de la valeur des choses et des êtres, d’ailleurs un des questionnements du récit, est habilement introduite. Cette condition de vie irréprochable, presque trop parfaite, n’est qu’un prétexte d’écriture pour montrer que ce visage si bien façonné au début va petit à petit être trituré et transformé, aussi bien au sens propre qu’au figuré.
Le premier tournant de l’histoire intervient lors de la rencontre entre Roger et Clas Greve, à la tête d’une entreprise de géolocalisation. De fil en aiguille, le rapport de force établit au début du film va s’inverser. Roger le chasseur de tête va être traqué, et Clas devient le chasseur ; c’est ainsi que l’on a droit à un formidable jeu du chat et de la souris. Le petit carcan protecteur de Roger n’a plus de signification, et le héros va prendre cher, très cher.

Et finalement, le chemin parcouru par Roger s’apparente à un parcours initiatique que lui-même n’avait pas prévu, mais dont on s’attendait à ce qu’il arrive, même si pour nous, aucune issue ne lui semble possible. Du passage de la vie proprette de la ville à la survie dans des forêts et autres lieux en contrebalancement total de son milieu d’origine, il va « apprendre la vie », et voir que tout n’est pas si facile et matérialiste, car Headhunters traite aussi de thèmes humains, non palpables comme son argent, mais tout aussi présents et importants.
Malin dans sa construction, Headhunters brouille un peu plus les pistes à chaque nouvelle avancée dans l’intrigue, laissant le spectateur dans le flou et dans l’incapacité à prévoir les événements à venir. Si l’exercice est brillant et que Tyldum prend un malin plaisir à nous emmener en terrain inconnu et à attiser notre curiosité, le film joue aussi sur de l’humour noir. Des scènes sérieuses, dramatiques, voir même sacrément gores sont parfois prises avec un humour déconcertant. Sur le coup, l’effet est évidemment très drôle, et même sadique, presque pervers,  mais il est dommage que ce ton, qui démarre franchement bien trop tard, n’ait pas été gardé tout le long du film, comme une ligne directrice. En effet, cette étrange cruauté humoristique est seulement parsemée ponctuellement alors qu’elle aurait pu garder une constance probablement plus efficace et assumée en en jouant du début à la fin.
Mais cela n’empêche finalement pas le scénario d’être étonnamment intelligent et sans failles dans sa structure, malgré les chemins empruntés, parfois tortueux. Toujours dans cette thématique du jeu, le film contient son lot de fausses pistes, de faux semblants, mais surtout de rebondissements  bluffants, rendant le trajet vers l’arrivée plus compliqué qu’initialement prévu.

Impressionnant thriller norvégien, Headhunters brille surtout par son scénario à risques mais qui s’avère finalement implacable. Tel un jeu, Morten Tyldum construit un personnage riche pour mieux le démonter par la suite, et qui, tel un parcours initiatique, va renaître, symboliquement, transformé en profondeur.
Titre Français : Headhunters
Titre Original : Hodejegerne
Réalisation : Morten Tyldum
Acteurs Principaux : Aksel Hennie, Synnøve Macody Lund, Nikolaj Coster-Waldau
Durée du film : 01h38
Scénario : Ulf Ryberg, Lars Gudmestad, d’après l’oeuvre de Jo Nesbø
Musique : Trond Bjerknes, Jeppe Kaas
Photographie : John Andreas Andersen
Date de Sortie Française : Inconnue

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